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Dr Marie Thirion - Pédiatre 

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L’adaptation néonatale : une globalité d’accueil

 

Conférence à L'envol     Lille                                                    25 avril 2002

 

Naître c’est changer d’univers, naître c’est créer des liens……

Dès qu’il naît, après avoir mis en route sa respiration et modifié ses circuits cardio-vasculaires, le bébé va se trouver confronté à trois grandes nécessités métaboliques :

La première, c’est de régler son « thermostat » pour conserver sa température d’homéotherme à 37° dans un air ambiant beaucoup plus frais que le chaud liquide amniotique auquel il était habitué.

 Dans le même temps, la petite « éponge aquatique » va devoir  ajuster le pourcentage d’eau de son organisme à sa nouvelle vie aérienne. Comme tout ce qui était dans l’eau et passe dans l’air, il va « sécher », passer d’un état de relative hyper-hydratation qui était son état fœtal utérin à un état de normo-hydratation. Pendant les premiers jours, cette perte d’eau va se traduire par une chute de poids nette sur la balance.

Il lui faut enfin mettre en place les mécanismes de maintien d’une balance énergétique stable et d’un taux glycémique constant. Jusque-là, nourri en perfusion continue par le cordon ombilical il dépendait entièrement de la glycémie –elle-même constante - de sa mère. A partir de la naissance, donc de la disparition de la circulation ombilicale, son foie va prendre le relais et assurer cette fonction essentielle. A chaque tétée, il rechargera son stock glycogénique, et celui ci re-larguera une à une les molécules de glucose qui le constituent, au fur et à mesure des besoins de l’organisme

Ces trois réalités métaboliques sont liées entre elles. S’il perd vite de l’eau, il va perdre de la chaleur, tout simplement parce que perdre de l’eau est le moyen dont dispose notre corps pour perdre de la chaleur et éviter de monter en température. Quand nous avons trop chaud, nous transpirons, nous respirons plus vite, nous buvons et urinons plus, ce qui évite à notre corps une « poussée » de fièvre. Or qui perd de la chaleur, perd de l’énergie.

S’il a froid, il va consommer une graisse spéciale, nommée tissu adipeux brun, qui a dans l’organisme la propriété de ne servir qu’à fabriquer de la chaleur car l’énergie fournie par sa combustion ne peut être recyclée.  Ce tissu - fondamental dans le maintien de la température de tous les homéothermes- se reconstitue lui aussi au moment des repas, mais son utilisation importante lors d’un refroidissement peut entraîner une hyper-consommation de glucose pour le reconstituer, et ce, au détriment de la recharge du foie en glycogène si les apports sont limités.

Cela nous amène tout naturellement à comprendre que le maintien de la glycémie dans la période néonatale, c’est d’abord éviter les dépenses inutiles. Dépense en eau, dépense de chaleur, dépenses de travail musculaire…

Eviter les dépenses en eau, c’est éviter les atmosphères trop sèches, trop chaudes, les chaleurs par convection ou par radiation, éviter les courants d’air. C’est aussi respecter la protection lipidique de la peau qui freine la déshydratation, donc ne pas enlever le vernix néonatal puis éviter les premiers jours les savonnages décapants. C’est aussi le couvrir, car la peau exposée à l’air perd plus d’eau. C’est encore limiter la diurèse donc éviter le stress et le froid (qui font uriner, vous le savez bien) et ne pas apporter de boisson hypo-osmotiques, donc d’eau ou d’eau sucrée. Du fait de l’immaturité rénale des premières semaines l’eau n’est à peu près pas fixée dans l’organisme. Par contre, recevoir du colostrum, ce premier lait très riche en sels et en petites protéines osmotiquement actives permet au bébé de boire un liquide, certes peu abondant, mais dont l’eau ne quittera pas son corps dans une diurèse immédiate. Enfin éviter les pertes d’eau, c’est aussi éviter les cris, les efforts respiratoires qui augmentent considérablement les pertes d’eau à chaque expiration.

Eviter les dépenses de chaleur, c’est le couvrir soigneusement, éviter les longs moments de peau à l’air lors des changes ou des toilettes, Couvrir éventuellement le crane qui représente chez le nouveau né pres de 30% de la surface corporelle.

LES CONDITIONS DE L ’ÉQUILIBRE:

- Limiter les pertes d ’eau et de chaleur

- favoriser les apports alimentaires

Le meilleur moyen de prévenir tout à la fois, les pertes d’eau, de chaleur, et de consommation par effort musculaire, c’est la proximité la plus étroite possible entre le nouveau né et sa mère, si possible en peau à peau. Contre la peau humide et chaude de sa mère, bercé par sa respiration et les bruits de son cœur, il pleure rarement et peut traverser cette  étape de transition dans une toute douce « couveuse » extra-utérine. Chaque fois que c’est possible et que la mère en a envie, pourquoi ne pas y penser  et surtout de quel droit l’interdire?

En plus, bien au chaud contre elle, près de l’odeur des aréoles, il sera plus souvent, plus facilement réveillé et stimulé à téter, ce qui, à chaque fois, lui apportera des éléments nutritionnels pour recharger son glycogène et permettre la construction de ses cellules et organes. Comme il est peu stressé son geste de succion est efficace, et ce geste efficace stimule la lactation. Tout se tient.

 Mais l’adaptation néonatale, avec toutes les transformations qu’elle comporte représente néanmoins une période de transition problématique. Le bébé peut dormir  longtemps et espacer ses prises alimentaires, la pièce peut être trop chaude, trop sèche. Surtout, et c’est cela le plus grave, nous avons imposé aux mères de limiter les prises alimentaires, de « faire attendre » les bébés, ou  au contraire de les réveiller à heures fixes,  de décider de la durée des tétées sous des prétextes qui peuvent tous être rangés au musée de la médecine préhistorique : la dilatation d’estomac, le temps de digestion, la peur des caprices et l’urgence de le régler…..

Pour pallier les risques liés à cette discontinuité des apports et aux dépenses excessives il existe un certain nombre de mécanismes exceptionnels de sécurité pour éviter tout déséquilibre énergétique.  Comme ils sont peu connus, nous allons les détailler clairement.

Première sécurité : Contrairement à ce qui a longtemps été dit, nous savons maintenant que la néoglucogénèse, - capacité de puiser de l’énergie dans les graisses périphériques  pour la retransformer en glucose- est active chez le nouveau né, dès sa naissance.  Mais à une condition : éviter tout apport de sucre, donc d’eau sucrée ou de lait artificiel (toujours riche en sucres)  qui déclencherait une sécrétion d’insuline bloquant la lipolyse.  Le colostrum, contenant moitié moins de lactose que le lait mature ne provoque pas cette réaction négative.

Deuxième sécurité : le nouveau né peut utiliser pour faire fonctionner ses cellules, en particulier celles de son cerveau des « carburants alternatifs » ; Alors que nos neurones ne fonctionnent qu’au glucose, le bébé peut utiliser les corps cétoniques (40 fois plus que nous) et le glycérol, tout deux  issus de la dégradation des graisses. Il peut aussi utiliser comme source d’énergie, pendant les 4 premières heures de vie, les lactates produits lors des contractions du muscle utérin pendant l’accouchement.

Troisième sécurité : le cerveau, -dont la souffrance en cas d’hypoglycémie vraie peut entraîner des séquelles définitives- a ses propres réserves de sécurité.  Contrairement à ceux de l’adulte les astrocytes, sont bourrées de glycogène, stock d’énergie locale en cas de déficit d’apport sanguin.

Quatrième sécurité : quand la glycémie baisse, le flux sanguin cérébral augmente, dirigeant préférentiellement le glucose disponible vers le cerveau.

Ces différents facteurs permettent de comprendre l’absence de signes cliniques lors de glycémies transitoirement basses les deux premiers jours de vie, et l’absence de séquelles neurologiques lors d’hypoglycémies avérées mais de courte durée, ne récidivant pas.

 

 

 

 

 

 

La connaissance des carburants alternatifs devrait permettre de prendre du recul sur le nombre de dosages glycémiques effectués dans certaines maternités au moindre pleur du bébé ou au moindre espacement des tétées. Ils ne nous disent rien de l’état énergétique global du bébé. S’il n’y a ni facteurs de risque, ni signe d’appel, ces dosages sont inutiles et dangereux (le risque infectieux au point de ponction est loin d’être négligeable). Un dosage des corps cétoniques, témoins de la lipolyse active serait beaucoup plus judicieux en cas de doute.

Une revue de la littérature scientifique publiée par l’OMS en 1997, concluait de façon claire que chez le nouveau né sain, à terme, sans facteur de risque, il n’y a pas d’hypoglycémie par carence d’apport ……sauf s’il a eu froid !

Il reste pourtant quelques cas où l’adaptation néonatale peut poser problème et justifie une surveillance pédiatrique des nouveau nés. Ce sont des cas pathologiques bien connus des équipes de maternités.  Les facteurs de risques doivent être soigneusement repérés car alimentation contrôlée (en fréquence et en quantité ) et surveillance biologique sont, alors, tout à fait justifiées. Schématiquement cela concerne les nouveaux- nés  présentant un déficit en glycogène ou en tissu adipeux brun, et les cas d’hémoconcentration (déficit hydrique) néonatale. Nous pouvons les résumer sur un tableau très simplifié :

Type de risque

Cause :

Les non-constitutions de réserve énergétique

Prématurité- Retard de croissance intra-utérin

Jumeaux

Les hyperconsommations

insuliniques

Diabète maternel insulino-dépendant

Diabète gestationnel

Obésité maternelle majeure

Macrosomie importante

Certains médicaments en particulier les béta-bloquants

Les hyperconsommations par souffrance

Anté-partum : postmaturité et pathologie placentaire

Per-partum : souffrance fœtale aigue anoxique

Les pertes excessives

FROID

Pertes d’eau par nudité, chaleur radiante ou par convection

Agitation et pleurs

Les déficits hydriques

Post maturité

Polyglobulie

Certaines souffrances fœtales chroniques

 

Il est possible à partir de ce tableau d’établir un « niveau de risque » pour chaque bébé selon qu’il présente un ou plusieurs des éléments ci-dessus. Bien évidemment, dès que ce risque est connu, une surveillance régulière de l’alimentation s’impose. Il convient alors de savoir reconnaître très précisément la qualité de la succion d’un bébé au sein, pour s’assurer qu’il reçoit réellement du lait. Selon la gravité du « niveau de risque » il pourra être utile d’imposer une régularité des tétées et parfois même des compléments, colostrum ou lait artificiel. L’essentiel étant de savoir donner ce lait sans perturber la technique de succion du bébé donc sans tétine.  Il conviendra d’utiliser un autre moyen qui ne gène pas le mouvement spontané de la langue : tasse, cuillère, petite sonde, seringue….. 

Hormis ces cas médicaux , si aucun facteur de risque n’est repéré pour un nouveau né, s’il est près de sa mère, dans la douce chaleur humide de sa peau, nourri chaque fois qu’il se réveille, peu dérangé pour des « grandes toilettes » ou des soins non indispensables , s’il reçoit  le colostrum de sa mère en tétant efficacement et si les équipes s’interdisent tout apport d’eau sucrée ou de complément………laissons sereinement bébé et parents se découvrir. Tout ira bien. Il n’y aura pas d’hypoglycémie.  L’adaptation du bébé à sa nouvelle vie se déroulera dans les meilleures conditions possibles.

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